Hunky Dory - Bowie, David (1971)


1. "Changes" – 3:37
2. "Oh! You Pretty Things" – 3:12
3. "Eight Line Poem" – 2:55
4. "Life on Mars?" – 3:53
5. "Kooks" – 2:53
6. "Quicksand" – 5:08
7. "Fill Your Heart" (Paul Williams, Biff Rose) – 3:07
8. "Andy Warhol" – 3:56
9. "Song for Bob Dylan" – 4:12
10. "Queen Bitch" – 3:18
11. "The Bewlay Brothers" – 5:22

 

Il y avait déjà quelques bonnes chansons sur The Man Who Sold The World... Mais de là à imaginer David Bowie sortir un album d'une telle qualité, il y avait un pas que sans doute peu de terriens se seraient hasardés à franchir ! Car Hunky Dory est bon de bout en bout, et qui plus est, il est éclairé par les orchestrations de Mick Ronson et par le piano de Rick Wakeman (de Yes).

Tel quel, il surpasse n'importe quel album ultérieur du Twin White Duke. Ziggy Stardust y compris. Je n'aime pas Ziggy, d'ailleurs. C'est un album qui joue sur l'image là où Hunky joue sur l'excellence des compositions, avec des harmonies complexes et des mélodies bien senties. D'ailleurs, dans la carrière personnelle de Bowie, c'est Hunky Dory qui constitue le grand déclic. Avant d'enregistrer cet album, Bowie était en plein doute. Depuis 1964, il n'avait rencontré qu'une seule fois le succès, grâce à "Space Oddity". Il était si démoralisé qu'il pensait même tout arrêter... C'est donc avec l'énergie du désespoir qu'il s'attela au travail. Et il fit si bien qu'il se retrouva avec du matériel pour deux albums. Plusieurs des chansons figurant sur Ziggy Stardust ont été enregistrées en fait au cours des sessions d'Hunky Dory, il faut le savoir.

C'est aussi à cette époque que Bowie se déclara ouvertement bisexuel.

"Changes", le single tiré de l'album, est très catchy, avec ses saxos introductifs et ses refrains chantés puissamment en choeur. Sur les couplets, Bowie chante de façon très théâtrale, un peu à la façon de Gene Pitney. Surtout, cette chanson met en lumière les ambitions de Bowie : un artiste doit être pris dans une spirale permanente de changements.

"Oh ! You Pretty Things" : Rick Wakeman accompagne Bowie pour les complets. Son style de jeu sur cette chanson a été comparé à celui de McCartney sur "Martha My Dear". Puis arrive le refrain, en choeur, sur une grille d'accords descendante. Très bonne chanson. Bowie imagine qu'une race supérieure d'envahisseurs extra-terrestres met fin au règne de l'homo sapiens.

"Eight Line Poem" est, comme son nom l'indique, la mise en musique d'un poème de 8 lignes de Bowie. Elle est jouée au piano, lentement, et intègre une guitare lead dans un style country. Ce n'est clairement pas la meilleure chanson de l'album.

"Life On Mars ?" : tant de choses ont déjà été dites sur cette merveille... Alors oui : harmoniquement, c'est une variation sur "My Way". La chanson, déjà très forte mélodiquement, est transfigurée par les exceptionnels arrangements de Mick Ronson : piano très orchestral de Rick Wakeman, cordes puissantes amenées de façon dramatique (la montée en crescendo sur le refrain). Ronson se charge lui-même du solo, qui est court, mais saisissant, tranchant...

"Kooks" est une belle chanson que Bowie a écrite pour son fils Duncan Jones, avec l'intention de réaliser un pastiche des chansons de Neil Young au début des années 70. Dans les faits, c'est bien plus que cela. La chanson reçoit des arrangements judicieux : piano-boogie de Rick Wakeman, solo de trompette...

"Quicksand" est sans aucun doute une des chansons les plus travaillées de l'album. Le refrain en choeur est accompagné par des cordes comme sur "Life On Mars ?". Le producteur Ken Scott a essayé ici de retrouver le puissant son acoustique qui avait contribué au succès du All Things Must Pass de George Harrison. Les paroles, marquées par Nietzsche et le bouddhisme, multiplient les références.

L'album comprend une reprise du "Fill Your Heart" de Biff Rose et Paul Williams. A nouveau, les arrangements mitonnés par Mick Ronson offrent un très bel écrin à la chanson.

Avec "Andy Warhol", on change de registre : alors que l'accompagnement était jusqu'à présent essentiellement pianistique, cette chanson fait appel à des guitares acoustiques puissantes. Elle aurait très bien pu figurer sur l'album précédent, The Man Who Sold The World, album plus violent. Le riff initial, très réussi, a été souvent repris, en hommage à Bowie (il a même été repris par Metallica).

Deuxième coup de coeur de Bowie : Bob Dylan. "Song For Dylan" est logiquement accompagnée par une guitare acoustique, mais le piano est également présent, ainsi qu'une guitare électrique. Le couplet contrefait le style vocal de Dylan. Refrain plus puissant.

Troisième coup de coeur : le Velvet Underground (que Bowie connaissait dès 1967). "Queen Bitch" est un hommage au groupe de Lou Reed, est un basé sur un riff de guitare ressemblant à celui de "Sweet Jane". Son très distordu, bien entendu. Ziggy Stardust est en germe dans cette chanson. On comprend mieux pourquoi Bowie ira repêcher Lou Reed, alors en perdition, pour lui faire enregistrer Transformer.

"The Bewlay Brothers" est la chanson la plus impénétrable de l'album. Sur les couplets : uniquement des guitares acoustiques. Le refrain a un caractère presque psychédélique : il débute de façon inopinée, et la guitare de Ronson a un son déformé par les effets. Pour la coda (une des plus étranges codas que Bowie ait jamais faites), c'est la voix qui est déformée, rendue plus grave...

Le bilan est donc plus que convaincant : Hunky Dory est l'album le plus dense de Bowie. Et il contient peut-être sa meilleure chanson ("Life On Mars ?"). 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr