Fireball - Deep Purple (1971)


1. "Fireball" – 3:25
2. "No No No" – 6:54
3. "Demon's Eye" - 5:19
4. "Anyone's Daughter" – 4:43
5. "The Mule" – 5:23
6. "Fools" – 8:21
7. "No One Came" – 6:28

 

Ce groupe londonien est considéré comme un des créateurs du hard-rock, à égalité avec Led Zeppelin.

Le groupe qui se fonde en 1968 a un style bien différent de celui du groupe qui électrocutera plus tard les Japonais lors d'une tournée légendaire. Le leader en est John Lord et il impose une musique inspirée de Vanilla Fudge : des chansons pop interprétées dans un style heavy (lourd) avec, selon la mode psychédélique, l'orgue en avant. En 1969, sur une idée de John Lord, le groupe enregistre le calamiteux Concerto For Group And Orchestra, influencé par la musique progressive. En vérité, ce premier Deep Purple apparaît bien dépendant des modes de son temps et sans personnalité propre.

C'est alors que le guitariste Ritchie Blackmore, personnage bougon et singulier (fan de magie noire et de football), prend les commandes du groupe (soutenu par Roger Glover à la basse). Deep Purple va effectuer une mue hard rock, suivant sans aucun doute l'exemple de Led Zeppelin qui a déjà enregistré deux albums. Si Deep Purple peut malgré tout être crédité d'un rôle important dans la naissance du genre, c'est parce qu'il va systématiser les découvertes de Led Zeppelin et fixer définitivement la recette du hard rock que des milliers de groupes se contenteront par la suite d'appliquer. Le son de Deep Purple est encore plus lourd que celui de Led Zeppelin. Surtout, les riffs sont généralement en power chords, là où ceux de Led Zeppelin avaient quelque chose de swinguant (d'aucuns diront quelque chose de plus subtil). Deep Purple généralise également la basse lourde et fixe, ancrée au sol par les coups de massue du batteur Ian Paice.

In Rock (1970) marque les débuts de la meilleure période de Deep Purple. C'est l'un des albums séminaux du hard rock britannique avec Led Zeppelin I et Black Sabbath (qui a un côté plus heavy). Toutefois les premières ne sont pas nécessairement parfaites. Aussi bons que soient ces albums, il me semble que Deep Purple, Led Zeppelin et Black Sabbath, la maturité aidant, ont produit dans la suite de leur carrière des albums bien plus satisfaisants. In Rock a pour lui des moments très forts, comme " Speed King " et l'épique " Child In Time ", où le chanteur Ian Gillan effectue des vocalises surprenantes ; toutefois l'ensemble manque d'homogénéité.

Le deuxième album important d Deep Purple, Fireball, est moins échevelé mais ne comporte aucun temps mort. C'est un album qui est parfois négligé, coincé qu'il est entre l'historique In Rock et le Machine Head de 1972 comprenant le morceau emblématique de Deep Purple (" Smoke In The Water ").

" Fireball ", la chanson-titre, est un monument du hard-rock. Elle est jouée à une vitesse vertigineuse, tout à fait inhabituelle pour l'époque (ce qui ne l'empêche pas de rester mélodieuse). Les trépidations de la guitare de Blackmore et les roulements de Ian Paice donnent une formidable impression de puissance. Il faut écouter aussi les sons dissonants que Blackmore tire de sa guitare pendant le solo et la façon dont il expédie des accords surpuissants pendant le pont.

" No No No " : j'ai vu cette chanson critiquée par des amateurs de hard-rock, pour la raison qu'elle était groovy. Drame ! Une chanson qui sautille ! Que faire alors des productions de Led Zeppelin, qui sont souvent affectées du même mal ? En fait, c'est très agréable. Et rassurez-vous : ce n'est pas le style Bee Gees ; Ian Gillan hurle, comme d'habitude. Solo presque psychédélique de Blackmore.

" Demon's Eye " : celle-ci aussi groove ; de plus elle a une grille harmonique très proche du blues ! Et pourtant, c'est bien du hard rock. C'est que l'essence de la puissance de Deep Purple réside ailleurs : dans le son, toujours très lourd.

Deux chansons de l'album ont dû encore plus irriter ceux qui s'attendaient à un approfondissement de la formule " In Rock ". Oui mais voilà : comme Page pour le troisième album de Led Zeppelin, Ritchie Blackmore ne voulait pas des chemins que d'autres avaient tracés pour lui. " Anyone's Daughter ", particulièrement atypique dans la production de Deep Purple, a des arpèges délicats, une guitare slide, un solo staccato... Bref, c'est une chanson country. Et une belle chanson country.

" The Mule " est l'autre titre singulier. Cette fois, ce sont les influences de l'Orient et celles du jazz-rock qu'on décèle. Par-dessus un tapis de percussions ginger-bakeriennes et de distorsion monte une mélodie pleine d'arabesques, bientôt suivie par une guitare à la tierce : bref, quelque chose que l'on aurait pu retrouver sur le premier album du Mahavishnu Orchestra sorti en cette même année 71. A noter qu'il y a des passages vocaux, brefs mais corrects. C'est cela dit la chanson qui a le plus vieilli, et de loin...

" Fools " s'ouvre sur un crescendo psychédélique : voix légères, voiles de Hammond, arpèges de guitare suggestifs... Les Doors auraient pu faire cela ! Mais le cœur de la chanson est particulièrement agressif, avec un bon riff et un refrain excellent. Blackmore a un son super crade, abusant merveilleusement du vibrato. Un passage instrumental d'une minute, pendant lequel un violoncelle isolé (premier signe de la passion que Blackmore vouerait bientôt à cet instrument) vient seul rompre la monotonie du fond percussif, coupe la chanson.

L'album s'achève en force avec " No One Came ", un titre hard reposant sur un riff de guitare ainsi que sur la basse lourde de Glover. " No One Came " est aussi le prétexte à des solos de Lord et Blackmore.

Parmi les bonus tracks figure " Strange Kind Of Woman ", qui est un des hymnes de Deep Purple et un des moments forts du fameux live Made In Japan. Les gâteries de ce genre rendent bienveillant.

Plus concis qu'In Rock, cet album est également plus diversifié. C'est justement ce qui lui vaut d'être un peu dédaigné par les amateurs de hard rock (ceux qui s'intéressent généralement à de semblables albums). Les mélomanes éclectiques sauront l'apprécier.  

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr