Stand Up - Jethro Tull (1969)


1. "A New Day Yesterday" – 4:10
2. "Jeffrey Goes To Leicester Square" – 2:12
3. "Bourée" (J. S. Bach arr. Jethro Tull) – 3:46
4. "Back To The Family" – 3:48
5. "Look Into The Sun" – 4:20
6. "Nothing Is Easy" – 4:25
7. "Fat Man" – 2:52
8. "We Used To Know" – 3:59
9. "Reasons For Waiting" – 4:05
10. "For A Thousand Mothers" – 4:13

 

Attention ! Cet album n'est pas un album progressif !

Jethro Tull, le combo de Blackpool au flûtiste fou, a livré pendant les seventies des albums ineptes plus qu'à son tour. Prenons l'exemple de l'odieux A Passion Play : un morceau durant pas moins de quarante-cinq minutes, avec des paroles ayant provoqué des réactions contrastées, leur auteur semblant en être fier, le reste des terriens demeurant muet d'affliction... Encore heureux que Chris Welch (du Melody Maker) ait pris sa plus belle plume pour dire tout le bien qu'il pensait de cette saleté !

Avant d'en arriver là, Jethro Tull fut un groupe anglais tout ce qu'il y a de plus normal, mais emmené par un chanteur ambitieux et plutôt talentueux, force est d'en convenir. Premier album en 1968 : c'est du blues-rock conventionnel. Pour le deuxième album, Ian Anderson souhaite emmener le groupe vers d'autres rivages. Le guitariste, un puriste du blues, n'est pas d'accord ; exit Mick Abrahams.

Le remplacement de Mick Abrahams fut une bénédiction pour Jethro Tull, car son remplaçant, Martin Barre, possédait un jeu nettement plus éclectique ; il était aussi à l'aise dans le rock dur que dans les ritournelles les plus folk. Et comme Jethro Tull possédait un batteur infernal, Clive Bunker, le deuxième album s'annonçait sous les meilleurs auspices.

De fait, Stand Up est un album solide. Les ponts avec le passé blues-rock ne sont pas encore coupés, comme le prouve l'épatant "A New Day Yesterday". Une musique aussi lourde était chose rare à l'époque, et on comprend que Led Zeppelin ait fait appel à Jethro Tull pour assurer ses premières parties. "New Day Yesterday" doit bien sûr son agressivité à son riff (un riff montant plus qu'original), mais aussi à la batterie explosive de Clive Bunker. Le regret, c'est que le mixage d'époque a été mal fait : les guitares acoustiques d'un côté, les guitares électriques de l'autre. Ce manque d'équilibre n'a pas été rattrapé par les rééditions CD.

D'autres morceaux puissants : "Back To The Family", qui associe la flûte aux guitares saturées, annonçant certains morceaux d'Aqualung et "Nothing Is Easy", enporté par une rythmique nerveuse : walking bass et batterie toute en roulements. Jamais une flûte n'a eu un rôle aussi agressif dans la musique rock ! Tout cela est assez jouissif, il faut bien le reconnaître.

Comble de bonheur, Ian Anderson se laisse aller à la simplicité, et signe deux très belles ballades folk : "Look Into The Sun" (avec Martin Barre à la guitare wah-wah), "We Used To Know". La seconde, par ailleurs, a servi de base harmonique au célèbre "Hotel California" des Eagles : la grille d'accords est exactement la même ! Cela dit, elle est un peu trop envahie par les solos...

"Reasons For Waitin" navigue dans les mêmes eaux, même si elle est plus produite : cordes, flûte, voiles légers de Hammond...

Il faut le dire : jamais plus Ian Anderson ne sera capable de se contenter de quelque chose d'aussi simplement beau.

"Jeffrey Goes To Leicester Square" et surtout "Fat Man" ont un côté psychédélique. Une balalaïka jouée comme un sitar se charge de la rythmique, accompagnée par une mer de percussions. Les paroles de "Fat Man" sont pleines d'un humour absurde : chose qui sera bientôt étouffée par la solennité propre au genre progressif. Dommage...

Deux morceaux de Stand Up annoncent le virage progressif que connaîtra plus tard Jethro Tull (pour l'heure... la musique progressive n'existait même pas). La célébrissime "Bourrée", tout d'abord, est une adaptation de Bach aux instrumentations modernes. Le plus surprenant, c'est que... Hé ! Ca swingue vraiment ! Jethro Tull s'en sort ici beaucoup mieux que tous les autres groupes progressifs qui reprendront des "tubes" de la musique dite classique (cf Emerson, Lake & Palmer). Glen Cornick nous gratifie d'un solo de basse très bien écrit.

Le dernier morceau est le moins bon, et de loin. Un riff qui n'est pas mauvais en soi (juste un peu alambiqué) est répété lourdement. Il sert de prétexte à un déluge de batterie, de flûte... Du coup, l'espace sonore n'est pas assez aéré. On est presque content quand ça s'arrête... L'idée n'était pas mauvaise, mais le résultat n'est pas du genre à susciter du plaisir chez l'auditeur. Jethro Tull produira malheureusement beaucoup de chansons dans ce style à partir de 1971...

Voilà donc une bonne surprise : un album très varié, d'une bonne qualité mélodique... Comme quoi on peut trouver son bonheur dans des chemins qu'on n'emprunte pas facilement. Mais redisons-le : cet album-là est un album de Jethro Tull d'avant l'ère progressive. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr