The Village Green Preservation Society - Kinks (The) (1968)


1. The Village Green Preservation Society, 2:53
2. Do You Remember Walter, 2:28
3. Picture Book, 2:36
4. Johnny Thunder, 2:30
5. Last one of The Steam-Powered Trains, 4:11
6. Big Sky, 2:52
7. Sitting By The Riverside, 2:24
8. Animal Farm, 3:02
9. Village Green, 2:12
10. Starstruck, 2:29
11. Phenomenal Cat, 2:40
12. All 01 My Friends Were There, 2:26
13. Wicked Annabella, 2:44
14. Monica, 2:20
15. People Take Pictures 01 Each Other, 2:17

 

The Village Green Preservation Society est un des chefs d'oeuvre de la pop music, avec Pet Sounds des Beach Boys, Forever Changes de Love et Odessey & Oracle des Zombies. Mais ça, les passionnés de pop music le savent déjà. Je m'adresse donc surtout à ceux qui ne sont pas encore tombés sous le charme de cet album.

The Village Green Preservation Society, ce sont quinze vignettes pop ne présentant aucune faille. L'ensemble dégage une atmosphère très singulière. On est bien loin des riffs saturés des chansons de 1964-65. Ici, tout est feutré et délicieusement british. Déjà en 1968, l'album était complètement désuet ; il a d'ailleurs connu un échec retentissant en termes commerciaux. Il faut dire qu'à l'époque où Ray Davies décrivait son utopique village vert, les Beatles étaient dans leur période LSD et les Stones sortaient "Street Fightin' Man".

C'est qu'il y a chez Ray Davies, qui a pourtant si souvent raillé les représentants de la gentry de sa plume de satiriste, une tendance conservatrice profonde. Ce paradoxe n'est permis qu'à des Anglais. Ray Davies ne se résout tout simplement pas à la mort des traditions qu'il a connues dans son enfance. Toute sa vie, Ray est resté attaché à ce Muswell Hill dont il a été, au final, le plus grand poète.

Village Green Preservation Society, album écologique avant que l'écologie ne devienne tendance, album chantant l'Angleterre profonde, n'avait aucune chance de connaître le moindre succès en 1968, année révolutionnaire s'il en fut. Il s'est bien rattrapé depuis. Cet ensemble légendaire, que Ray a commencé à élaborer dès 1966, est devenu l'album des Kinks le plus vendu, en plus d'être l'album de coeur de Ray et de constituer sa mythologie personnelle : quand Ray composera des opéras, son premier réflexe sera de se tourner vers le village vert.

La chanson-titre, enregistrée par Ray Davies après la majorité des autres chansons de l'album, a tous les attributs d'un hymne, avec son chant entraînant et ses paroles excentriques : "We are the Village Green Preservation Society - God save Donald Duck, Vaudeville and Variety. - We are the Desperate Dan Appreciation Society - God save strawberry jam and all the different varieties."

Dans "Remember Walter", Ray Davies se souvient de son ami Walter avec qui il fumait en cachette derrière le préau de l'école.

"Picture Book" : tout le monde a entendu le riff accoustique de cette chanson, puisqu'elle a été utilisée dans une pub pour HP ! Le premier vers est tout un programme : "Picture yourself when you're getting old". Presque une provocation, alors que le slogan des Who, "J'espère mourir avant de devenir vieux", était l'emblème de toute une génération.

"Johnny Thunder" : encore une très belle chanson, sur un type qui vit sur l'eau et se nourrit de lumière (oui !).

"Last Of The Steam-Powered Trains" : Ray voit ses amis d'enfance grandir et rentrer dans le rang. Lui se fait l'effet, du coup, d'être une pièce de musée, une locomotive à vapeur vouée à disparaître. Magnifiquement adapté au propos général de l'album. Et comme on parle de trains à vapeur... hé bien la chanson est propulsée par un riff bluesy de guitare et d'harmonica. Une réussite.

"Big Sky" : cette chanson en mouchera plus d'un. Elle est INCROYABLEMENT MODERNE. Je suis presque persuadé que Gainsbourg (qui appréciait beaucoup les Kinks) s'en est inspiré pour écrire "Bonnie and Clyde" : écoutez la progression d'accords... Là-dessus, Ray Davies plaque un chant au phrasé presque rap !

"Sitting By The Riverside" : quelle atmosphère ! On est au bord de l'eau, mais on pourrait tout aussi bien être dans une fête foraine ou au milieu d'une projection d'un film de Buster Keaton : cet accordéon discret (en fait le mellotron de Nicky Hopkins), ce piano bastringue...

Impossible de tout décrire. Juste dire que le reste est à l'avenant :
-"Village Green", chanson composée en 1966 et qui a imposé l'idée de l'album tout entier, avec son accompagnement de clavecin
-"Phenomal Cat", ma chanson préférée sur cet album, un conte de fées, l'histoire d'un chat devenu énorme. Ce sont les arrangements (mellotron et guitare) qui font la différence.
-"All Of My Friends Were There" : la chanson démarre comme une chanson d'alcoolique. Normal, me direz-vous : c'est l'histoire d'un artiste qui monte sur scène complètement gris, qui se rend compte que tous ses amis sont là, et qui se ridiculise. Le refrain, au rythme plus lent, construit sur une descente harmonique dont Ray Davies avait le secret, est merveilleux.
-"Wicked Annabella" : cette fois, le son est beaucoup plus distordu, ressemblant presque à celui de "You Really Got Me". Mais il s'agit d'une histoire de sorcière... Ecoutez la fin : on dirait du Nine Inch Nails !
-"Monica" : chanson surprenante, au son latin.

Bref, pourquoi faut-il acheter cet album ? Parce que les quinze chansons qu'il contient sont des réussites. Ray Davies est en effet le parangon du songwriter. Il écrit et compose avec soin. Certaines chansons des Beatles ont mal vieilli (pensons par exemple à "Hello Goodbye") ; ça n'arrivera jamais à une chanson de Ray Davies. Pour lui, une bonne chanson est une chanson qui se révèle quand on la joue sur des instruments accoustiques. Cela explique que sans esbrouffe, sans triche, il arrive à écrire un album aussi bon.

Pourquoi faut-il acheter cet album, demandions-nous ? Parce qu'en plus de contenir de bonnes chansons il dégage quelque chose (c'est l'album des Kinks le plus consciencieusement et le plus délicatement arrangé). Et parce que, enfin, les bonus-tracks proposés sont très bons (à commencer par deux chansons qui ont été incluses dans la version américaine de l'album : le hit "Days", une des chansons des Kinks les plus connues, et "Mr. Songbird", une de mes chansons préférées).  

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr