IV - Led Zeppelin (1971)


1. "Black Dog" (Page/Plant/Jones) – 4:57
2. "Rock and Roll" (Page/Plant/Jones/Bonham) – 3:40
3. "The Battle of Evermore" (Page/Plant) – 5:52
4. "Stairway to Heaven" (Page/Plant) – 8:03
5. "Misty Mountain Hop" (Page/Plant/Jones) – 4:38
6. "Four Sticks" (Page/Plant) – 4:45
7. "Going to California" (Page/Plant) – 3:31
8. "When the Levee Breaks" (Page/Plant/Jones/Bonham/Memphis Minnie) – 7:08

 

On ne présente plus cet album, un des plus célèbres de l'histoire du rock, et l'album de Led Zeppelin le plus vendu.

C'est une chose de ne pas le présenter ; encore faut-il être capable de le nommer. L'album est en effet sorti sans titre et sans nom de groupe. Seuls étaient inscrits sur la pochette des symboles censés représenter chacun des musiciens composant l'entité Led Zeppelin. Lors d'une interview en 1990, on demanda à Jimmy Page comment il fallait appeler cet album : Zoso ? the Runes LP ? Four Symbols ? Page répondit : "Eh bien... "Le Quatrième album" (rires). A l'époque, nous étions constamment descendus par la presse. Du genre "Led Zeppelin est un coup monté, un grand battage publicitaire..." Alors nous nous sommes dits : faisons un disque, LE disque de Led Zeppelin, celui que l'histoire retiendra. Et pour répondre à ces plumitifs, pas de titre, pas de nom de groupe, rien ! Les mauvaises critiques n'ont pas cessé pour autant... C'est l'histoire du groupe."

Quant à Led Zeppelin IV, c'est l'histoire d'une chanson. Des arpèges délicats de guitare, des flûtes jouées au Mellotron, une mélodie ravissante, plusieurs sections s'enchaînant parfaitement, un solo remarquable... On parle bien entendu de "Stairway To Heaven". Voici comment Page a décrit la composition de la chanson : "J'étais chez moi lorsque j'ai composé la base de ce titre et je sentais que je tenais quelque chose d'exceptionnel. Quelques mois plus tard, nous sommes allés à Headley Grange, là où on enregistrait, dans le Hampshire. Il y a d'abord John Paul à qui j'ai fait entendre le morceau. Je lui ai montré et il en est resté médusé. Nous avons passé la nuit à peaufiner le morceau. Au matin, Robert est arrivé avec John. On leur a fait entendre. Robert était sidéré. Il s'est isolé, seul, avec la bande. Deux heures après, il avait terminé le texte et la mélodie."

Certains se sont amusés au petit jeu des influences. Un instrumental de Spirit, "Taurus", a notamment été évoqué. Si l'influence est avérée... Jimmy avait décidément de bonnes références.

Mais Led Zeppelin IV ne vaut pas que pour "Stairway To Heaven", loin de là. Le reste est du même tonneau.

Il y a d'abord deux hymnes rock'n roll qui contenteront les fans du deuxième album. "Black Dog", chanson inaugurale, est une formidable succession de riffs de guitare (on en compte au moins trois), qui s'incrit bien dans le style habituel de Led Zeppelin (les riffs s'étirent avant de laisser place à la batterie et au chant). Le plus étonnant, c'est que cette chanson pagienne au possible a été en partie composée par John Paul Jones. A noter que le riff est placé rythmiquement de telle sorte sur les couplets qu'on a l'impression qu'il n'est pas synchrone avec la batterie. "Rock And Roll" renouvelle le blues-rock à la Chuck Berry/Little Richard grâce à la force du chant de Robert Plant. On peut dire que "Rock And Roll" est à Little Richard ce que "Whole Lotta Love" était aux blues de Willie Dixon. Le piano en style boogie est joué par Ian Stewart (attaché habituellement aux Stones).

Une chanson inclassable, géniale (celle que je préfère sur cet album) : "The Battle Of Evermore". Qu'avaient ingurgité les membres de Led Zeppelin quand ils ont élaboré cette splendeur ? Par-dessus un martèlement obsédant de mandoline, les voix de Robert Plant et de Sandy Denny (la plus belle voix de la folk anglaise) s'entremèlent. Et ça devient magnifique quand la chanson monte en intensité et que la guitare entre en scène...

"Misty Mountain Hop" : un rock très solide, avec un riff joué à l'unisson par la guitare et le clavier électrique. Ce dernier fait sa première apparition dans la musique de Led Zeppelin sur cet album (on le retrouvera beaucoup sur le suivant, Houses Of The Holy). Les paroles font allusion à la marijuana et sont imprégnées par l'univers de Tolkien (comme souvent pour les paroles de Plant).

"Four Sticks" : le caractère rythmique des chansons de Led Zep est ici mis en évidence. Cette chanson propose une alternance inhabituelle de mesures complexes en 5/4 et en 6/8. Le riff de guitare est soutenu par un tapis de percussion, et il est interrompu par des passages plus acoustiques. Tout cela contribue à installer une sorte de transe. Il n'est pas indifférent de savoir que la chanson a été écrite en Inde.

"Going To California" est une très belle ballade acoustique. C'est John Paul Jones qui joue la partie de mandoline. Page et Plant ont écrit cette chanson en hommage à Joni Mitchell. Ils avaient du goût... Page se serait vaguement inspiré, pour cette chanson comme pour "Stairway To Heaven", du "Taurus" de Spirit.

Enfin, "When The Levee Breaks" pousse la puissance du Zeppelin à son paroxysme. Il faut savoir que Jimmy Page, en plus d'être un grand guitariste et un grand compositeur, avait des dons évidents de producteur. Il avait travaillé comme musicien de studio et s'était beaucoup intéressé aux techniques d'enregistrement. A plusieurs occasions, il avait presque réussi à écoeurer l'ingénieur du son Glyn Johns, qui pensait à tort que les requêtes de Page étaient impossibles à satisfaire. Pour cette chanson, Page a enregistré la batterie de Bonham dans un grand hall, en plaçant des micros très près. Il en résulte un son absolument monumental. C'est comme si des troncs d'arbre frappaient les fûts de Bonham à chaque temps. Mais il n'y a pas que la batterie... L'espace sonore est envahi par un déluge de slide et d'harmonica... Cette chanson étirée montre en Page et ses comparses de grands révolutionnaires en musique.

Aux dernières nouvelles, Led Zeppelin IV serait le quatrième album le plus vendu de toute l'histoire. Il le mérite. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr