Metallica - Metallica (1991)


1. Enter Sandman (Hetfield, Ulrich, Hammett)
2. Sad but true (Hetfield, Ulrich)
3. Holier than Thou (Hetfield, Ulrich)
4. The Unforgiven (Hetfield, Ulrich, Hammett)
5. Wherever I May Roam (Hetfield, Ulrich)
6. Don't Tread on Me (Hetfield, Ulrich)
7. Through the Never (Hetfield, Ulrich, Hammett)
8. Nothing Else Matters (Hetfield, Ulrich)
9. Of Wolf and Man (Hetfield, Ulrich, Hammett)
10. The God that Failed (Hetfield, Ulrich)
11. My Friend of Misery (Hetfield, Ulrich, Newsted)
12. The Struggle Within (Hetfield, Ulrich)

 

Metallica est le groupe fondateur du thrash (et non pas du trash comme poubelle). Définition : du speed metal plus agressif.

Si cette énième subdivision s'est avérée nécessaire, c'est que la musique de Metallica a semblé bien différente de celle d'un Motörhead aux auditeurs de l'époque. De fait, il y a une différence. Motörhead, c'est rapide et puissant, mais ce n'est ni lourd ni inquiétant. Le spectre sonore de Lemmy et ses potes reste obstinément cantonné dans les aigus, comme dans le rock des années 50...

Metallica, c'est sombre et puissant comme du heavy, rapide comme du speed metal, et lourd et agressif comme du... thrash metal.

Aux origines étaient les Britanniques. Le metal était en effet une affaire anglo-anglaise avant que Metallica ne connaisse un succès commercial permettant d'attirer les projecteurs sur d'autres groupes ricains : Slayer, Megadeth, Anthrax (pour ne citer que les trois entités ayant fait partie avec Metallica des "big four" du thrash"). Lars Ulrich (fils d'un célèbre tennisman danois) baignait dans la musique des groupes de la New Wave Of British Heavy Meatal. Il présidait même le fan-club américain de Motörhead. Il s'associa au Californien James Hetfield, dont la culture musicale était également non négligeable (il avait d'ailleurs déjà écrit "Hit The Light"). Ce furent les débuts de Metallica. A cette époque, le groupe pouvait aussi compter sur les talents de compositeur de Dave Mustaine, le futur leader de Megadeth.

Metallica a sorti son premier album en 1983 : Kill'em All. C'est historiquement le premier album de thrash metal publié, même s'il y a eu des précédents. Après tout, les riffs de "Symptome Of The Universe" de Black Sabbath (publié en 1975) ont tous les attributs du genre : vitesse, puissance, lourdeur... Metallica, en plus de Kill'em All, livrera les deux classiques du thrash metal : Master Of Puppets et Ride The Lightning.

Avec le Black Album (ainsi qu'il a été surnommé) de 1991, on a affaire à quelque chose de bien différent. Metallica ralentit considérablement le tempo (met de l'eau dans son vin ?). Il n'y a plus de traces de thrash rapide mis à part peut-être sur "The Struggle Within" et "Through The Never". C'est l'occasion que je choisis pour mettre en lumière la bêtise de certains critiques. Voici ce qu'a écrit James Petit, du redoutable Hard Rock Magazine, lors de la sortie de l'album : «Si l'aspect Thrash n'est plus prédominant dans sa musique, Metallica a su associer le coté lyrique, entraînant et énergique du Hard-rock, et l'aspect lourd, froidement brutal et efficace du heavy-metal pour en faire un style unique dans lequel il s'avère redoutable. Comme si "Smoke On The Water" (Deep Purple), "Paranoid" (Black Sabbath) et "Let There Be Rock"(AcDc) étaient fondus dans un nouvel alliage nommé Metallica".» Les références ne vous paraissent-elles pas à côté de la plaque ? Que vient faire là ce pauvre AC/DC, qui n'a jamais inventé quoi que ce soit ? La vérité, c'est que Metallica joue sur cet album la même musique qu'il jouait jadis, mais en la rendant plus accessible à tout un chacun : vitesse réduite, chansons plus courtes, avec moins de changements de rythmes, etc. Les mélodies ? Il y en a toujours eu chez Metallica. Cf Kill'em All, Master Of Puppets...

La nouvelle ambition de Metallica (réaliser un Sergeant Pepper du metal années 80) s'est accomplie sous la houlette de Bob Rock, un producteur respecté mais qui s'était commis avec Mötley Crue et Bon Jovi. Ambiance chez les Metaliquette's fans...

Le résultat est pourtant impresionnant. Le son est très profond. On a l'impression que le pied de Lars Ulrich est un tronc d'arbre ; et ses cymbales coupent comme du verre.

Cinq singles, tous très populaires, ont été tirés de cet album. Le premier, "Enter Sandman", est spectaculaire. Il a subi beaucoup de changements avant d'acquérir sa forme définitive. Un riff, d'abord joué en son clair, subit des mutations, sous les coups de boutoir de la batterie (extraordinaire de puissance), et se sature méchamment. Couplet et refrain sont à la fois agressifs et accrocheurs. Il serait trop fastidieux de décrire tout le travail de production qui a été fait sur ce titre. Rien que les vagues de la wah-wah qui surgissent au bout de quinze secondes alors que résonne le riff introductif sont une bonne idée. Bob Rock a insisté pour que le solo d'origine, qui était long et touffu, bien dans la tradition trash, soit revu et rendu plus concis.

"The Unforgiven" synthétise parfaitement les deux tendances de l'album : couplets violents ; refrains chantés d'une voix presque suave. Il y a là renversement de la dichotomie traditionnelle de la ballade metal (couplets en son clair et refrains saturés).

"Nothing Else Matters" : belle ballade, avec une intro de guitare classique qui est devenue un incontournable du répertoire des guitaristes en herbe.

Là où Hetfield montre le plus sa volonté d'ouvrir la musique de Metallica à des influences nouvelles (démarche beatlesienne, à nouveau), c'est quand il utilise un sitar électrique pour ouvrir "Wherever I May Roam", le quatrième single issu de l'album. Ambiance dépaysante garantie ! Les mélodies, du reste, sont réussies.

"Sad But True" voit le retour à des riffs plus classiques, même si le tempo est très lent. Chanson heavy-metal et non thrash. En plus d'être lente, elle est particulièrement grave puisque les guitares ont été accordées un ton plus bas que la normale. Je suis stupéfié par le son des guitares aiguës qui ont overdubées par-dessus le riff de base : ces guitares d'ambiance (bien sûr bourrées d'effet) sonnent comme des violons.

Le reste, rapidement... "Holier Than You" : une des bonnes chansons de l'album, avec un riff très agressif. Batterie très percutante. "Don't Tread On Me" : idem. C'est une chanson martiale dans laquelle Hetfield a eu l'idée d'une montée de basse progressive (cette fameuse note de basse du thrash que le guitariste étouffe de la paume de sa main). "Through The Never" est une des chansons les plus rapides de l'album et les plus thrash. C'est par ailleurs une grande réussite. "Of Wold And Man" : une chanson sur la lycanthropie. C'est à nouveau réussi, car à nouveau les riffs sont inventifs. "The God That Failed" : un refrain mélodieux et des paroles attaquant l'emprise des sectes religieuses (la mère de James Hetfield appartenait à l'Eglise du Christ). "My Friend Of Misery" : indéniablement une des meilleures chansons de l'album. Elle mêle parfaitement un arpège en son clair suggestif à des guitares en fusion. Refrain en choeur, sur un riff montant qui aurait pu faire le bonheur de Rage Against The Machine. "The Struggle Within" : on termine de façon thrash... C'est sûrement la moins bonne chanson de l'album.

Sorti en 1991, l'album Metallica marque en fait l'apogée du metal années 80. C'est un chaudron bouillonnant de sonorités et de mélodies inventives. Après cela, le genre tout entier subira un déclin irréversible. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr