Ram - McCartney, Paul (1971)


1. "Too Many People" (P. McCartney) – 4:10
2. "3 Legs" (P. McCartney) – 2:48
3. "Ram On" (P. McCartney) – 2:28
4. "Dear Boy" – 2:13
5. "Uncle Albert/Admiral Halsey" – 4:55
6. "Smile Away" (P. McCartney) – 3:53
7. "Heart of the Country" – 2:22
8. "Monkberry Moon Delight" – 5:22
9. "Eat at Home" – 3:20
10. "Long Haired Lady" – 6:05
11. "Ram On" (P. McCartney) – 0:55
12. "The Back Seat of My Car" (P. McCartney) – 4:28

 

C'est quelqu'un qui n'est pas du tout fan de Paul McCartney en solo qui vous le dit : Ram est un chef d'oeuvre. S'il n'a pas été reconnu comme tel au moment de sa parution, c'est que la critique officielle voulait en découdre avec Paul. C'est lui qui avait annoncé la dissolution des Beatles (alors que John avait annoncé depuis belle lurette aux autres que les Beatles étaient pour lui chose du passé). Et il avait sorti son premier album solo, McCartney, avant que ne sorte Let It Be. Ca, les critiques, et notamment les harpies de Rolling Stone, ne pouvaient lui pardonner. Donc ce fut un tir de barrage... Comme quoi, il faut se méfier des critiques !

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, et on observe un revirement total des critiques au sujet de Ram, au point que beaucoup commencent à voir en lui le sommet de la carrière de McCartney post-Beatles.

Il est sorti à une époque où McCartney était encore dans sa veine bucolique. La pochette de l'album en atteste (Macca tient un bélier par les cornes). Mais Ram est nettement plus dense que le premier album, qui était composé essentiellement de rebuts de l'époque des Beatles. Et surtout il est mieux produit. Paul ne l'a pas enregistré at home, de façon artisanale, mais dans un studio new-yorkais.

Le bucolisme est certainement le mot-clé de l'album. Tout au long de ces chansons, Paul chante le bonheur de la vie en campagne et les délices de la vie de famille... Plutôt réactionnaire, le gars, quand on sait que Lennon envoyait au monde à l'époque ses messages révolutionnaires ! Mais l'autre mot-clé est délire. Il n'y a qu'à jeter un oeil aux paroles de Moonkberry Moon Delight... Ceci compense cela.

La musique, logiquement (pour un album à visée champêtre), vise à la simplicité. C'est donc très rafraîchissant, et ça change de l'épouvantable machinerie qui se mettra en place avec Wings. Paul, qui avait connu des moments de déprime après la mort des Beatles, fait la seule chose qu'il devait faire : s'isoler et revenir à des choses simples. Il faut cependant s'entendre sur le sens de cette simplicité. Les mélodies de Ram sont certes pures, et l'album, globalement, ne regorge pas de guitares flamboyantes... Par contre, Ram est un joyau d'arrangements. Les choeurs, notamment, rivalisent avec ceux des Beach Boys de l'âge d'or. Le compromis idéal ?

"Too Many People" annonce clairement les choses : Paul ne se prend pas pour un prêcheur. Il veut juste faire de la musique. Cette chanson a évidemment été prise pour une attaque par John Lennon, qui y a répondu très violemment. L'album, dans l'ensemble, est paisible, mais Paul est capable de moments vraiment furieux. Ecoutez le solo final, à plusieurs guitares, pour vous en convaincre !

"Three Legs" est dans la même veine folk/blues que les chansons du premier album solo de Macca. Mais c'est une bonne chanson, bien soutenue par la guitare picking. Paul n'hésite pas à changer plusieurs fois de rythme.

"Ram On" nous fait entendre en accompagnement les sonorités de l'ukulele, dont plusieurs des Beatles étaient fans. Quant aux percussions, il n'y a qu'un tom joué au pied par Paul. Le couplet débouche sur un refrain fait de rien, juste de sonorités merveilleuses. Les choeurs évoquent les Beach Boys.

On retrouve d'ailleurs cette influence sur la chanson suivante : le splendide "Dear Boy". On sait que McCartney avait toujours eu de l'admiration pour Brian Wilson, avec qui il avait essayé de rivaliser. Si il y est parvenu, c'est sur cet album plutôt que sur Sergeant Pepper (qui était brillant, mais qui était un produit collectif, où les références aux Beach Boys étaient finalement peu nombreuses). Le martèlement de piano sur lequel des choeurs d'une invraisemblable complexité viennent se déposer ne peut pas ne pas évoquer le Brian Wilson de 1966-1967.

"Uncle Albert" fait plutôt penser au Brian Wilson de 1968-1969 : chanson lente débutant par une pédale de basse, passage quasi-hawaïens, bruitages, choeurs lumineux... "Uncle Albert" est une véritable petite suite, tant elle incorpore de passages musicaux différents. Un des passages rapides a une basse balancée et une bonne humeur communicative qui fait penser au refrain de "Rocky Raccoon".

"Smile Away" : c'est du blues-rock. Le refrain compense ce que la chanson pourrait avoir de conventionnel. Il accueille en effet des choeurs estivaux, façon Beach Boys des années surf.

On arrive à "Heart Of The Country", qui est ma chanson préférée sur cet album. C'est une pure merveille de folk bien balancée, accompagnée par une guitare lead qui sonne comme dans un rêve. Vraiment Paul était capable de prodiges à la guitare ! Le fait d'être seul donne des libertés que la cohabitation au sein d'un groupe ne permet pas toujours : en témoigne ces passages de scat... Textuellement, c'est dans la veine de "Mother's Nature Son".

"Monkberry Moon Delight" est un délire indescriptible. Cette chanson aurait eu sa place sur Magical Mistery Tour. Sur un rythme allègre, Paul se déchire la voix. Or, de quoi est-il question ? De ça :

Ketchup! Katsup! Soup and puree
Don't get left behind.


"Eat At Home", comme "Smile Away", est basiquement un morceau de blues-rock. Mais Paul a de l'expérience, et sait comment en rompre la monotonie, par des "Ouuuuuuuh" tortueux.

"Long-haired Lady" est un des sommets de l'album : une ballade amoureuse parfaitement arrangée, découpée en plusieurs parties (comme "Uncle Albert"). Elle s'achève sur une débauche pop : choeurs de Linda et cuivres (ou Mellotron ?).

"The Back Seat Of My Car" démarre comme une ballade de McCartney au piano. Mais c'est mieux que "The Long And Winding Road", car plus délirant.

Au final ? C'est ce que Paul a fait de mieux, et de loin. Ram est un des seuls albums des années 70 qui puisse donner l'impression que le secret de la pop riche n'avait pas disparu avec la mort psychologique de Brian Wilson. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr