Automatic For The People - REM (1992)


1. "Drive" – 4:31
2. "Try Not to Breathe" – 3:50
3. "The Sidewinder Sleeps Tonite" – 4:06
4. "Everybody Hurts" – 5:17
5. "New Orleans Instrumental No. 1" – 2:13
6. "Sweetness Follows" – 4:19
7. "Monty Got a Raw Deal" – 3:17
8. "Ignoreland" – 4:24
9. "Star Me Kitten" – 3:15
10. "Man on the Moon" – 5:13
11. "Nightswimming" – 4:16
12. "Find the River" – 3:50

 

Il peut arriver qu'après s'être abreuvé aux sources musicales les plus variées on ne soit plus sensible à la simplicité des chansons de REM. En ce cas, il ne faut pas laisser le mal s'installer : REM est l'emblême incontournable du rock américain indépendant des années 80. Pareille déviance se traite, et fort bien, par l'écoute d'Automatic For The People.

Automatic For The People est en effet le chef d'oeuvre de REM, loin devant Murmur qui contient quelques excellentes chanson égarées parmi des choses plus communes.

La genèse d'Automatic For The People a été pour le moins inhabituelle. Après la déferlante suscitée par Out Of Time (dix millions d'exemplaires vendus), qui avait fait de REM rien moins que le U2 de la nouvelle décennie, le groupe souhaitait revenir à des choses plus intimistes. Il faut dire que Peter Buck sortait d'une très grave dépression. Il venait de passer deux années au plumard...

Sans surprise, les douze chansons qui composent Automatic For The People sont donc imprégnées de tristesse et de désenchantement. Les arrangements de cordes, écrits par John Paul Jones, renforcent encore la noirceur du propos.

La guitare acoustique traverse quasiment toutes les chansons (le cas échéant, elle est remplacée par le piano). Le premier single à être extrait de l'album, "Drive", est lancé par des arpèges acoustiques typiques du combo d'Athens. Les cordes sus-mentionnées et l'harmonica lestent la chanson d'une gravité particulière, cependant qu'une guitare éléctrique rageuse se fait entendre au coeur du morceau.

Une des leçons à tirer d'un pareil album réside certainement dans la parfaite association de la guitare acoustique et de la guitare électrique. L'électrique est employée dans "Try Not To Breath", mais avec un sens de la mesure et un raffinement extraordinaires (écouter aussi les claviers...). Tout, ici, est recueilli, en accord avec les paroles qui traitent du sujet douloureux de l'euthanasie. Je suis à chaque écoute impressionné par la façon dont REM a réussi à renouveler l'utilisation d'une des séries de quatre accords les plus éculées. Ces accords coulent avec une telle fluidité...

La troisième chanson, nettement plus allègre que le reste de l'album, est à mon sens la plus faible, même si elle a connu un certain succès en single. Elle a été inspirée par la chanson "Le lion est mort ce soir" (qui constitue d'ailleurs la face B du single).

"Everybody Hurts" est un des plus grands succès en single de REM. Elle est très simple (quelques arpèges joués à l'acoustique, avec une boîte à rythme Ultravox constituant tout le fond percussif) et très belle, la voix de Michael Stipe semblant porter ici plus qu'ailleurs. A mesure que la chanson progresse, le piano et les cordes viennent enrichir la palette instrumentale. Etonnamment, "Everybody Hurts" a été en partie écrite par le batteur, Bill Berry. Cette chanson, aux tonalités consolatrices, qui entendait prévenir les tentatives de suicide chez les adolescents, a accompagné Kurt Cobain pendant les dernières semaines de sa vie, alors qu'il envisageait de tirer la musique de Nirvana vers quelque chose de plus acoustique.

"New Orleans Instrumental No. 1", comme son nom l'indique, est un instrumental. C'est court et plutôt réussi.

"Sweetness Follows" est une chanson lente et grave (une de plus). Elle s'attaque au paradis que promettent aux désespérés les religions organisées. Noter comment les claviers et la guitare (fuzz puis bruitiste pendant les "solos") viennent jeter des couleurs inquiétantes par-dessus la rythmique acoustique.

"Monty Got A Raw Deal" : autre chanson introduite par des arpèges, autre chanson alanguie. "Ignoreland" est la chanson la plus électrique de l'album. Elle intègre même, à certains moments, un clavier qui sonne très eighties.

"Start Me Kitten" est une très belle chanson, qui baigne dans une atmosphère presque irréelle, avec des choeurs et une guitare électrique qui accompagne le chant à grands renforts de glissandos.

"Man On The Moon" a été utilisée dans la B.O. du film du même nom. Elle liste plaisamment toutes les activités possibles en ce bas monde, avant qu'un "Yeah Yeah Yeah" semblant porter tous les malheurs du monde ne vienne tout balayer. Le refrain fait référence au comédien Andy Kaufman.

L'album se conclut en beauté, avec "Nightswimming", une chanson crépusculaire dotée d'une ligne de piano répétitive absolument magnifique (les gars de REM ont emprunté le piano qui avait servi au "Layla" de Derek and the Dominoes), et avec "Find The River", qui, pour moi, est la plus belle chanson de l'album. Deux arpèges originaux en ouverture. Une mélodie hantante jouée à l'harmonica. Le chant de Stipe, résigné pendant les couplets, s'ouvre à l'espoir pendant les refrains, soutenu par des choeurs. C'est une chanson qui a des parfums de grands espaces américains.

Un grand album, donc, qui décevra peut-être, à première vue, ceux qui auront apprécié le REM d'Out Of Time. Automatic For The People paraît en effet moins accrocheur. Mais c'est tant mieux : son charme en demi-teintes, infusant lentement, est au final bien plus prenant. 

              Damien Berdot
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