Never Mind The Bollocks - Sex Pistols (The) (1977)


1. Holidays in the Sun - 3:19
2. Bodies - 3:01
3. No Feelings - 2:48
4. Liar - 2:39
5. God Save the Queen - 3:17
6. Problems - 4:09
7. Seventeen - 2:01
8. Anarchy in the U.K. - 3:31
9. Submission - 4:10
10. Pretty Vacant - 3:15
11. New York - 3:03
12. EMI - 3:09

 

La musique des Sex Pistols n'a rien perdu de son pouvoir subversif. A eux seuls, ces zonards ont réussi à engendrer tout un mouvement (Joe Strummer et Sting n'ont créé un groupe qu'après avoir été soufflés par l'énergie des Pistols) et à susciter des troubles tels que le Royaume-Uni n'en avait pas connus depuis longtemps.

Si l'impact a été si extraordinaire, c'est qu'il y avait du génie dans cette musique. Je tiens vraiment à ce qu'on crédite les Pistols pour le rôle explosif qu'ils ont eu : rendons à César ce qui lui appartient. Sans les Sex Pistols, Clash n'aurait pas existé ; et même s'il avait existé, il n'aurait pas fait deux lignes dans les journaux.

Au commencement de toute cette chienlit, il y avait Steve Jones, un authenthique délinquant, Glen Matlock, bassiste de talent, et Paul Cook, batteur solide. Les Sex Pistols, contrairement à la rumeur populaire, étaient des instrumentistes corrects. Tous ces mecs-là jouaient sur du matériel volé par Steve Jones, qui avait certains talents de prestidigitateur.

Cette cellule de base se fit d'abord les dents sur ce qu'elle put trouver de plus sauvage : le Bowie des débuts, les Pretty Things (groupe considérable, auquel on essaie de rendre justice sur ce site) et bien sûr les New-York Dolls de Johnny Thunders, grande inspiration pour Steve Jones.

Mais le groupe en serait très certainement resté là sans une heureuse rencontre. Malcolm McLaren, un curieux personnage, féru de situationnisme (donc d'anarchisme), qui avait managé pendant un temps les New-York Dolls, rêvait de réussir avec un nouveau groupe ce qu'il a raté avec les Dolls. Il tenait à Londres une boutique de vêtements avec sa femme, Viviane Westwood. Dans cette boutique se retrouvaient les jeunes les plus désoeuvrés et les plus subversifs de Grande-Bretagne. Quand Jones et Cook lui demandèrent de leur trouver un chanteur, McLaren leur proposa John Lydon, qu'ils rebaptisèrent Johnny Rotten à cause de l'état de décomposition avancé de ses dents.

Je lisais récemment une interview de Nick Kent, dans Rock'n Folk, où il disait que Lydon avait été l'élément décisif, celui qui avait transformé un honnête groupe contestataire en phénomène universel. Car Lydon était complètement allumé. Il était toujours sous LSD (c'était d'ailleurs ça qui lui donnait ce regard de psychotique). Il a été le déclencheur d'une folie permanente qui a duré un an et demi avant de s'éteindre avec fracas, signifiant la fin du mouvement qu'elle avait engendré.

Si donc on essaie d'identifier la plus-value qu'ont apporté les Sex Pistols par rapport aux groupes américain pré-punk (les Stooges) ou punk (les Ramones), elle tient en quelques mots : Jeannot le Pourri. Par rapport au punk américain, les Sex Pistols sont plus politisés, et ils ont un esprit typiquement anglais, maniant volontiers l'ironie.

Si on essaie maintenant d'évacuer toute la part de hype qui accompagne forcément les Sex Pistols, et si on essaie de juger leurs productions objectivement, on s'apercevra que ça tient la route. Les Sex Pistols, Clash et les Buzzcocks sont de toute façon les seuls groupes de punk anglais qui puissent être réécoutés sans déplaisir (on exclut bien entendu tous les groupes qui avaient une démarche arty).

Le disque contient tout d'abord deux grands classiques : "God Save The Queen" (...et son régime fasciste), magnifiquement composée par Matlock, et "Anarchy In The UK" ("I am an antichrist / I am an anarchist..."). Le reste est également de bon niveau.

"Holiday In The Sun" : excellente chanson. Riff spectorien mutant savamment pour le couplet. Choeurs martelant leur "reason" à la façon des bruits de bottes qui ouvrent la chanson. Bégaiements façon mitraillette de Rotten.

Steve Jones est capable d'être un créateur d'ambiances (Dick aurait dû penser à lui) : cf la géniale intro de "Bodies"... C'est sur l'avortement et c'est... très pictural.

"No Feelings" : efficacité... Accord répété rythmiquement sur le couplet, bon pré-refrain, le grain de folie qu'il faut sur le refrain...

"Problems" : une très bonne chanson punk, impressionnante d'énergie. On peut voir que Cook et Jones étaient loin d'être des manchots. Rotten clame ici son refus de jouer le jeu social ; le problème, c'est celui qui y consent. Il chante le refrain d'une voix de fou.

"Seventeen" : impeccable mélodiquement...

"Sub-Mission" est une des meilleures chansons de l'album. Elle n'est pas loin d'annoncer la vague de ska, puisque les accords sont fouettés uniquement sur les temps faibles.

"Pretty Vacant" est sans doute la meilleure chanson des Sex Pistols, meilleure encore que "God Save The Queen" et "Anarchy In The UK". A écouter absolument !

"New York" est une attaque des punks new-yorkais. Attaque au vitriol, à la Rotten !

"EMI" : enfin, pour solde de tout compte, Rotten dégomme sa maison de disques !

Ce disque paraîtra peut-être à certains un peu répétitif musicalement. C'est le genre de désagrément auquel on se fait vite. Et puis, ce sont toujours les choses qu'on connaît mal qu'on a du mal à distinguer d'autres choses...

Surtout, ce qu'il faut voir, c'est que ces chansons sont impeccables stylistiquement. Il n'y a pas les fautes de goût qu'on peut trouver dans un album comme London Calling de Clash, par exemple. Il est temps de reconnaître que les mélodies de chansons comme "Spanish Bombs", "Lost In The Supermarket" ou "The Card Cheat" (qui côtoient des chansons plus énergiques et réussies) sont ridicules. Le punk mélodique, c'est souvent d'un goût douteux. Cf encore les Ramones... L'art de la mélodie pop est un art difficile... 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr