Le seul, le vrai... Luke Haines !

Publié le 05/09/07

J'entends dire parfois : "Luke Haines ressemble à une endive". Et c'est vrai : Luke Haines ressemble à une endive. J'ai même entendu dire qu'il faisait de la provocation à deux pennies : son groupe Baader Meinhof... Ca sonne pourtant formidablement, comme nom, "Baader Meinhof", non ?

Ce qui n'est pas moins incontestable, c'est que Luke Haines est génial, musicalement parlant. La galette dont il est question ici, New Wave, sortit en 1993. Avec le recul, elle apparaît nettement supérieure à tout ce qui se faisait en Angleterre à la même époque.



La titre de l’album annonçait la couleur : il s’agissait de donner un bon coup de pied dans la fourmilière des artifices (maniérisme psychédélique, nouveau dandysme des Suede et consorts, etc.). Et comme tout progrès véritable passe par une réapropriation des formes du passé, Luke Haines convoquait les fondamentaux des sixties : Beatles, Kinks, Who...

Le résultat est vraiment exceptionnel. Luke Haines sait employer la distorsion (« Showgirl », « American Guitars », « Idiot Brother »...) tout en évitant les fadeurs de la power pop. Il faut dire qu’il chante d’une voix qui comporte juste ce qu’il faut d’acidité et d’étrangeté. En outre, il plâne parfois sur ces chansons une guitare atmosphérique à la Joey Santiago...

Mais il y a mieux encore. A ceux qui fuient les growers, je conseillerais d’écouter « Junk Shop Clothes » et « Starstruck » afin de se convaincre de la qualité de l’album. La première raille la mode vestimentaire du grunge, par-dessus un piano staccato très inhabituel et une 12-cordes aux arpèges vibrants. La seconde, très belle mélodiquement, révèle des prodiges de délicatesse de la part de Haines arrangeur : guitare électrique colorant, en nuances, la grille d’accords acoustiques, xylophone, violoncelle... Il y est question, comme souvent des lumières du showbiz et de la musique pop, avec laquelle Haines aura toujours entretenu une relation ambiguë... Comment faire, aussi, quand on est idéologiquement engagé, mais quand on est, par la grâce de ses dons mélodiques, amené à briller dans l’art le plus vain qui soit, la pop ?

Luke Haines, complexe mais toujours sincère, fera bien mieux que ses émules de la brit pop : Blur, Oasis... Et quand on voudra l’assimiler à eux, il clamera sa colère. Sincère, toujours.
                      D.B.
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Judee Sill

Publié le 26/08/07

Attention ! Ce dont nous allons parler n'est pas quelque chose qu'on achète afin de meubler ses longues soirées d'hiver ou de combler les gigas inutilisés sur son iPod : Judee Sill est une des très grandes de la musique américaine. Une étourdissante révélation.

Son histoire n'est pas anodine. Très jeune, Judee Sill est privée de son père puis de son frère, tués dans des accidents de voiture ; confrontée à un beau-père violent et alcoolique, elle choisit de de tailler la route. Errances, drogue... Elle va jusqu'à se prostituer pour subvenir à ses besoins en héroïne, et elle échoue en prison suite à un braquage.

C'est sur ce terreau décadent que vont éclore quelques-une des plus belles chansons folk, dont l'espèce d'innocence contraste avec les ténèbres qui les ont engendrées. En prison, Judy Sill développe ses dons musicaux et devient vite une pianiste/guitariste/chanteuse accomplie. David Geffen la signe : la voilà membre de l'écurie Asylum, tout comme Carole King et Joni Mitchell.

Mais Judee Sill est meilleure que Carole King et meilleure que la Joni Mitchell des débuts. Son sens musical la place tout en haut, aux côtés d'un Brian Wilson. Etonnante musique qui fusionne la folk, la country, le gospel de Mahalia Jackson et la musique baroque de Bach. Quant aux paroles, elles en gêneront certains, par leur mysticisme béat. Mais la religiosité de Judee Sill est bien particulière, comme il convient à un personnage aussi marginal. Elle dépeint par exemple Jésus en tombeur dans "Jesus Was A Cross Maker" ! Cette aspiration à la rédemption, de toutes les façons, n'est pas pour étonner, venant de quelqu'un qui (comme Verlaine ou Georg Trakl, après tout) avait été très en avant dans la fange. Et puis... les arts d'avant les Lumières n'avaient-ils pas tous à voir avec la spiritualité ?

Le premier album de Judee Sill est sans doute le meilleur. Chacune de ces dix chansons a été polie avec une méticulosité extrême. Pas de déchets, à un tel niveau de songwriting.



Si vous voulez au plus vite savoir à quoi peut ressembler de la country baroque, je vous conseille de vous jeter sur "The Phantom Cowboy", "The Archtypal Man", "Ridge Rider"... La pedal steel y côtoie des arrangements de corde d'une grande délicatesse. Et il y a la voix très pure de Judee... voix qu'elle superpose en de multiples couches, harmonisées en choral ou en fugue... Il n'y a pas d'autre exemple connu d'une progression country classique qui, comme dans "The Archtypal Man", se brise soudainement pour laisser place aux cordes et à une voix qui se perd en arabesques.

Impossible de le dire autrement : il faut écouter Judee Sill. Andy Partridge ne dit pas autre chose, lui qui a écrit : « I’d never heard anything like "The Kiss", which these days would get my vote for the most beautiful song ever written ». On a connu plus mauvais juges en matière d'harmonie et de mélodie...

Après ce premier album, qui date de 1970, Judee Sill sortira un deuxième album, Heart And Food (contenant justement la chanson "The Kiss"). Elle décèdera en 1979 des suites d'une overdose.
                      D.B.
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Eurockéennes 2007

Publié le 10/07/07



Un bon cru :

- Les Editors, sur la grande scène. Qu'est-ce ? De la new-new-wave ? Tom Smith a très clairement en tête le timbre de feu Ian Curtis ; le guitariste a autant de réverb sur sa guitare (voire plus) que Bernard Sumner, mais il échoue sans doute à en retrouver l'inventivité. Qu'importe ? Sur scène, c'est efficace.

- L'univers des Klaxons est, lui aussi, teinté de noir ; mais la musique est bien plus originale. Elle récupère les rythmes dansants qui animent la musique de quantité de groupes récents (jusqu'à Franz Ferdinand) en leur superposant des textures synthétiques (surtout) et des guitares noyées de réverb (un peu). Ce n'est pas ce que j'apprécie en musique, mais je dois convenir que c'est tout aussi efficace sur scène que propre à produire son petit effet dans certains salons. Le compromis est intéressant... Tous les (déjà) classiques de l'album ont défilé : "Atlantis to Interzone", "Golden Skans", "Isle of Her"...

- Phonix. Une bonne surprise ! La musique de Phoenix perd en concert ce qu'elle peut avoir de trop léché sur disque : Thomas Mars grimpe sur les pylônes (sous en restant très classieux, comme se doit un Versaillais), Laurent Mercowitz envoie les arpèges de "Run Run Run" comme il expédierait un riff brûlant...

- A contrario, l'autre combo versaillais, Air, n'a pas soulevé l'enthousiasme sous le chapiteau. Et pourtant, la musique était bien exécutée ; Dunckel et Godin ne sont pas venus chercher le cachet. Comment auraient-ils pu mettre plus d'énergie dans ce qu'ils ont fait ? On touche aux limites de ce genre de musique : elle passe assez mal la barrière de la scène...

- Dans le genre "revival punk", plutôt bien représenté ces derniers temps, il y avait Maximo Park. Paul Smith avait sa casquette de lad de Newcastle et gouaillait avec aisance ; les autres mecs du groupe, plus statiques, effectuaient leur travail de bucheronnage consciencieusement...

- Les ancètres du genre : les Hives. Concert dévastateur, avec un "Howlin'" Pelle Almqvist aussi dingue qu'à l'accoutumée. Il faisait les questions et les réponses : "No, the Hives are never tired ! ". A ses côtés, son trépidant guitariste de frère, Nicholaus Arson...

- Queens of the Stone Age : on ne les présente pas... Josh Homme paraissait content du public : "C'est magnifique".

- The Good, the Bad and the Queen : trop chargé pour être efficace sur scène... Il m'a été impossible d'assister à ce concert jusqu'à la fin.

- Deerhoof : le peu que j'ai pu en entendre m'a paru intéressant. Il y a évidemment des choses à apprendre de ce groupe, aussi bien dans les passages les plus bruitistes, que dans les passages plus mélodiques, quand la voix de la chanteuse se déploie en arabesques... Trop éloigné de la concision pour faire figure de classique, mais pouvant servir de filon à bien des groupes.

- Enfin, sous la pluie, sur la grande scène, Arcade Fire. On ne pouvait rêver meilleure clôture. On entendait à mon sens trop peu la guitare de Win... Mais ces chansons (notamment celles du premier album) ayant un côté hymnique, le public s'en passait sans mal. Régine s'est démenée au tambourin, a même joué de l'orgue à tuyaux... Elle a conclu ainsi : "Vous êtes formidable". Elle aussi !

Je passe sur les groupes non-musicaux : Anthony Joseph, Chin Chin, Pelican, ainsi que sur les habituels Français délivreurs de messages (Tryo).
                      D.B.
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